LA MORT

Hier nuit,

Au creux d’un noir ami,

Sans témoin,

Blotti dans un trop petit coussin,

Des larmes inattendues,

D’abord contenues,

Puis une grosse,

Qui sort de cette chair et d’os,

Qui s’assèche en descente,

Pour peindre une coulée brillante,

Puis une seconde,

Le fond de l’œil s’inonde,

Toujours recroquevillé,

Les doigts viennent essuyer,

La joue, elle, reste mouillée,

Alors, figé, de nouveau, je m’endormirai,

Avec la force de l’impuissance,

Un dessin collé reflète le vide en balance,

Éventré, les bras qui pendent,

Les mots à l’amende,

Les yeux trempés, boursouflés,

De voir ce banc de sable qui disparaît…

…qui s’échappe entre les doigts,

Comme la fumée par dessus les toits…

…Avec la brume et les nuages se mélange,

Ma main se tend pour toucher ce que mon esprit pleure et voit, un ange.

Toi.

Vol d’Elle

C’est la Terre qui est belle.
Le photographe la met dans la lumière.
D’un bouton, il lui vole un instant.
Mis dans la boîte noire.
Et part avec.
L’envoie, le transmet.
Cet instant revit ailleurs.
Incroyablement, cet instant n’a cessé de battre.
Il peut être transplanté.
Et il est éternel.
Ce seul instant là.
Celui où le photographe appuie sur le déclencheur.
Cet instant, cette milliseconde, grâce à l’œil de quelqu’un, un simple vivant, devient, lui, immortel.
Il rentre au panthéon des images.

Un regard, mille frissons.

Chaque scalp de Dame Terre devient la propriété de ceux qui le regardent. Elle n’a pas donné son accord mais Elle n’a pas souffert.

En contrepartie de son immortalité, Elle donne son image éternelle à des vauriens éphémères.

Les pauvres.

Elle, Elle sera belle indéfiniment.

Et ils ne pourront la caresser que si peu de temps.

Elle donne à des fourmis.

Qui exultent comme ils peuvent. En continuant leur chemin.

Et en espérant, à chaque détour, la détrousser encore un peu plus. L’enfermer dans ce boîtier. Se l’approprier.

Une photo est un vol de terre. Un vol de faibles.

D’impuissants.

De minuscules fragments de chair posés sur les continents.
Désireux de voir et enlever ce que la terre ne leur donnera jamais.

L’éternité.

Une photo est une respiration partagée d’un instant, vieux déjà de longtemps. Un partage en secret.

En la regardant de nouveau, l’instant sort de son bocal et l’air rentre de nouveau dans chacun des poumons.

Il n’y a alors rien d’autre autour que ce trésor rectangle aux limites finies et aux interprétations illimitées.

Une photo est l’image d’un coup de foudre qui n’est pas partagé.

Tant pis, dans sa faiblesse, le photographe l’emporte quand même.

Et abuse d’Elle avec ses yeux doux.

JEAN PIRE ET LEE MEILLEUR

En chacun de nous se niche « notre » pire et « notre » meilleur.

« Le » pire ou bien « le » meilleur de l’Homme n’habite cependant pas chez Monsieur tout le monde. Et c’est bienheureux.

Dans ce qu’il a de meilleur, l’Homme statufie. Récompense.

Dans ce qu’il a de pire, il oublie.

Et la guerre reste.

Et la terre sombre.

Je suis pessimiste réaliste : l’écosystème va mourir de déséquilibre. Il suffit d’apprendre à lire. De regarder les images des satellites. Ces tas de ferraille d’en haut.

Mais je suis pessimiste positif car je vais décéder avant l’écosystème.

Ma descendance également. Je peux partir tranquille.

Voilà, ramenée à un seul être, la taille des oeillères de l’Homme.

Son pire.

Pour la seule nécessité de posséder, voir, s’occuper les yeux à défaut de l’esprit, jouir d’un maximum, il a fabriqué un cancer qu’il entretien.

A n’en pas douter, l’humain, sous la forme que nous lui connaissons, va disparaître.

Chacun le sait au fond de ses tripes. Et s’acharne.

Le pire.

Ce cancer a six milliards de têtes.

Il est une hydre à déchets.

« Collectivement responsable » disait une sage.

Une réaction ne pourrait venir que du collectif. Celui du meilleur.

Soyons pessimiste négatif; il y a bien des collectifs mais si faibles en comparaison du pire.

L’éphémérité de l’Homme empêche une large majorité de se sacrifier : elle doit profiter.

Une majorité de cette majorité a déjà du mal à survivre. Et elle le fait par tous les moyens. Elle se sauve.

Pour ne pas mourir avant ce sol pleureur. Ce sol qui plie.

C’est déjà ça de pris.

L’histoire de l’Homme et de sa planète est une histoire de troc, d’argent, de pouvoirs et de survie.

L’Homme est ce qu’il y a de pire pour sa planète.

Il n’y est pas adapté.