SOLEIL COUCHANT

Il y a, dans ce texte, des questions sous-jacentes relatives à mon intérêt pour cette relation épistolaire. Y répondre directement serait signe d’une bien grande prétention de ma part. 

Dire à autrui qu’il serait plus ou moins intéressant relègue celui qui porterait ce jugement à la strate, épaisse, des trous-du-culs.

Retenons aujourd’hui que ton correspondant, au delà d’un boulet historique attaché aux deux pieds, n’est pas équilibré. 

Il a perdu sa tranquillité de vie il y a 7 ans grosso modo. Nous vivions seuls au monde dans une campagne protectrice, la même que celles de nos enfances. Et, nous n’avons rien vu venir, absorbés par une vie trépidante et vibratoire.

Nous nous sommes fait envahir.
Nous savions que cela pouvait arriver. 
Mais pas aussi violemment.
Nous étions trop hauts.
Trop bien pour penser que nous pourrions être dérangés.
Cachés derrière la haie.

Et pourtant. 

Ma femme s’en accommode.
Elle est aussi ronde que souple.
La confrontation ne fait pas partie de ses possibles. C’est génétique. 

Je ne l’ai jamais accepté. 
Et, à chaque printemps, la joie et la désinvolture disparaissent.
J’ai perdu mon équilibre.

Nous voilà 7 ans plus tard.
Pour des raisons de raison de père de famille.
Avec un équilibre en quête. 
Un travail qui décapite les secondes.
Et un sommeil qui se raccourci autant que les jours s’allongent. 
Un dos qui abandonne. 

Le prix à payer probablement d’une enfance passée dans une forêt de sapins.

Pas question donc de répondre à la question de mon intérêt quant à cette relation épistolaire. Tu en connais déjà les freins. Tu as entendu mes suggestions de libération de ton esprit. Je n’insiste pas.

Je ne suis pas (plus) bien chez nous. Pour un rêveur, un contemplatif, un drogué du silence, c’est difficile à surmonter. Notre fille étant « partie », l’endroit est devenu insupportable pour l’esprit qui est le mien.

Aussi, il se tarit. En plus d’avoir trop ouvert sa plume en d’autres temps. 
Je ne suis pas (plus) heureux.
Simplement concentré sur les utilités. 

Ce coffre à jouets n’est autre qu’un lieu d’écritures mariées à la photographie.
Il en est rempli depuis 2016. Il s’assèche au printemps tel le lit des rivières des Pyrénées-Orientales d’où ce texte jaillit aujourd’hui. Cet esprit se libère loin de ses bases.
Au constat, peu de mots. Trois fois rien de photos.

Ce qui me forge est dans le coma.

La bêtise à côté de chez moi, la violence des hommes dans le poste de télévision, le bruit me tétanisent. L’esprit du sensible s’atrophie.
Au doux, au pastel succède la colère. 
A l’intelligence et la création, la rage. La haine.
A l’automne et l’hiver, la désolation. 

Qui s’alimentent d’une incompréhension du constat de voir la brutalité modifier mon existence. Qui se fracassent sur celle de mon entourage. 

Voilà ma boule de neige estivale. 

PLUME BIO

Ce qui te permet de payer ton loyer paye ton loyer.

Voilà le socle, la dalle invisible qui séparent de l’instabilité. Ce monde où il n’y aurait que les questions du lendemain. Où la spiritualité est une vague idée. Un espoir pour les plus pensifs. Qui s’additionne à celui de gagner à l’Euro-Loto : ‘ »quand je serai riche, je disparaîtrai loin du bruit. Je redeviendrai intelligent. Connecté au temps. A l’air et à la terre »….

Voilà ce que se disent les cérébraux. 

D’autres rêvent en Maserati et compagnes ou compagnons de joie dans la piscine bleue qui déborde sur des fleurs aussi transparentes que les pots qui les portent. Nous ne jouissons pas tous avec les mêmes organes.

Ce qui te permet de payer ton loyer paye ton loyer. Mon point de vue est de ne rien lâcher. C’est le mousqueton qui permet de tenir sur la montagne verticale. La dalle. La fondation. 

Si il fallait faire un seul et unique choix pour exister, le travail serait celui-là. 

(….)

« Je n’avais pas écrit depuis si longtemps. ».
« Notre sensibilité commune a libéré la plume virtuelle et l’esprit ».
« Loin d’être impuissant, ta plume a réveillé la mienne »

« Je ne suis pas ma propre obsession. Je me suis effacée au profit des autres. Toute ma vie » : probablement, en t’effaçant au profit des autres toute ta vie, tu es devenue ta propre obsession. Sans le percevoir. Il faut un œil extérieur : il le fait par comparaison des gens qui pénètrent dans son cerveau par sa pupille. A.B. s’intoxique dans son nombril. Ces mots ne te plaisent pas. Notre relation me permet de les poser quand même. Elle n’aurait pas la même essence si je devais être complaisant. 

L’inverse fonctionne.

Ce n’est pas « mal » de devenir sa propre obsession. Cela peut devenir une difficulté sociale. C’est simplement une réaction normale de l’iceberg immergé qui, un jour, veut voir le ciel. Il se retourne…

…et j’entends que ta plume est réveillée ?

Il serait réducteur de ne la réserver qu’à un seul.

D’autant que celui-ci n’est que préoccupations. Une liste longue comme le bras. Alors, pour répondre à « tout ça », il serre les poings. Et la plume tombe.
C’est physique. 
Un cerveau hémorragique. Un poing fermé. 
Le stylo sec s’efface.

Il espère des jours meilleurs. 
Il travaille pour.
Il fait des choix de père de famille. 

Pour autant, en 2016, il s’est offert son coffre à jouets. Un espace ouvert, disponible,  quelques euros à l’année, pour déverser la spiritualité qui lui vient et qui lui reste.

Son île « intelligente » à lui.
C’est un peu là qu’il existe aussi en tant qu’individu unique. 
Il écrit. 
Il s’élève. 
Mesure l’assèchement de son âme au nombre réduit de ses versements.
Alors, il se reprend.
Part dans ses bois.
Il n’oublie pas le monde. Ne le fuit pas.
Il l’interprète. C’est tout.
Il se sent riche avec quelques euros à l’année. 
Dans une bulle hermétique. 
Qui « ne sert à rien ».
Pas plus que d’escalader avant de redescendre ou de jouer du piano debout.
Sauf, peut-être,  si il venait à disparaître, à le définir avant de l’oublier complètement. 

J’ai une veilleuse intellectuelle. 
Avec un espoir de la voir s’enflammer à volonté.
Nous n’en sommes pas là…

…Ta plume est réveillée ?

Il serait réducteur de ne la réserver qu’à un seul.

Dommage de passer à côté d’un soin thérapeutique « offert » par la nature.