S’ALMAN TOURNÉ…

Dans deux semaines , il aura 73 ans.
Plus de 30 ans de vie d’un miraculé.
Le premier homme, porté à ma connaissance, qui pouvait mourir de son stylo. J’aimais déjà les mots; les assassiner était inconcevable.
Entre panique et fureur.
Un stylo ne tue personne.
Il blesse des idées.
Il est libérateur de la force des mots.
Qui ne sont pas « pacifistes », une seule phrase pouvant transpercer, décapiter et rendre folle toute âme.
Mais ils n’assassinent pas.
Ce qui fait la différence.

La lutte d’idées s’arrête à l’encre sèche.
Son issue devrait permettre la pondération des uns,
Et chacun faisant un pas vers l’autre,
S’éloignant tous des extrêmes mortelles.
Voilà un idéal,
Qui n’est pas à la portée du cerveau humain.
Ni de celui qui écrit par balles,
Ni de celui qui lit et répond par rafales.

Il fut donc peut-être le dernier écrivain moderne libre.
Depuis, toutes les plumes n’écrivent pas droit.
Même si certains affirment le contraire. Et essayent.
La peur de mourir effraie l’inconscient.
Le monde a donc changé.
L’attentat de 2015 n’a pas tué que Charb, Cabu et la bande.
Les intellectuels sont depuis faits de mèches mouillées.
Le journalisme pourfendeur envoie toujours directement au cimetière.
Et lorsque qu’il y a des maris, des femmes, des enfants « derrière »,
La lutte est héroïque mais elle est telle la vague qui s’échoue sur la côte.

L’idée de la tristesse debout à côté d’un héros allongé est difficile.

Même si les morts « utiles » ne peuvent être que « violentes » pour bousculer l’Histoire d’un monde déjà inondé de mots et d’images : celles qui marquent doivent posséder en elles une puissance digne d’anesthésier le temps.
Elles doivent être choc.
Sous peine de s’évaporer.
Sous terre.

La page blanche n’est plus, à contrario de ce que nous espérons, illimitée,
La religion est une falaise,
La politique, le racisme d’autre pans.
Des mondes de croyances en somme.
Les plus intolérantes tuent les autres,
Elle n’ont plus d’opposition,
Elles gagnent, solitaires sur le podium.

L’écrivain a peur des armes. Il ne sait pas les manipuler
Des esprits parmi les plus frondeurs affirment ne pas avoir peur de la mort.
Ils devraient.
Respirer, même mal, est une punition acceptable,
Me voilà « sage » au crédit de la violence,
La honte n’a d’égale que l’impuissance,
Les balles étant données à tout le monde.

…La religion est une falaise….
La politique, le racisme d’autres pans…..Pan ! Pan ! Pan !…

QU’ON SONNE. A QUE JE VAIS OUVRIR.

Oui. Les petites lettres créent La Lettre. Formidable alphabet au milliard de combinaisons.

Comme pour les jeux de chance, un jour pour les uns, parfois pour certains, souvent pour d’autres, quasiment tout le temps pour les talents, « on » trouve la bonne.

Pour écrire La Lettre.

Le livre majuscule.

La nouvelle.

La chronique.

L’exception ou le beau, le lugubre, l’intense viennent de l’assemblage de ces petits caractères qui font les grandes personnalités.

LA VESSIE PLEINE

Se soulager.

Du manque de dignité de l’Homme sur cette planète.

Pauvre de son éphémérité, il se venge de son éternité en la consommant comme un porc, comme une bête,

Un tirant sur la couverture pour en élever une plus épaisse que celle de ses voisins.

Porc parmi les porcs, je regarde mes mains,

Avec elles, je force l’image et l’écriture. J’anoblie mon l’existence.

Je l’adoucie. Lui redonne un sens.

En montrant et en partageant.

Et quand bien même ces mots et ces couleurs n’atteindraient personne, alors, je m’apaise doucement.

En laissant s’écouler l’énergie dans l’encre.

Avec elle, les mots pacifistes en guerre et dans le ventre.

PLUME AU CUL, PLUMEAU CUIT.

…Le monde de l’encre, l’encre-deux-mondes, est un refuge autorisé. La plume posée, il laisse en paix. Chacun et chacune.

LA PLUME.

La plume glisse, en goutte à goutte, en perfusion, en mots de pas tous les jours, en encre marine , en filet d’en-sang-ble.

Emmurée d’une bulle transparente, elle coule sur ces parois rondes. De limites, elle n’en a que l’idée et ne les voit pas.

Elle se promène sur ces toiles d’argent. Elle tourne et se laisse décrocher, glisser. S’accroche dans les montées. Zigzague pour y arriver puis redescend pour jouer avec les mots.

Les bulles s’accumulent. S’amoncellent. Elle y plonge dedans. La plume crisse. En rythme. En musique. Dans la digue des bulles…la digue don don… La digue profonde.

Ou elle s’enfonce.

De liane en liane, de liaisons en liaisons, d’accords d’accords et point de terminaison.

Point de fin. La plume a faim.

Elle s’alimente du ventre et mange les maux.

Et m’emmène là-haut, là bas. Sur la p’lune.

La main et sa plume, tous petits, tous les deux, en plis et en bosses, dans un nuage creux,

La plume grave son chemin d’ouate, le coton est son marbre,

Le vent s’est posé. La plume immobile.

L’écriture en l’air, l’air de rien, juste l’air pour respirer, se confond avec le blanc. Fissure, creuse, gratte, effiloche la brume d’haut,

Taille en rocher son enclos,

Là-haut,

La plume en marteau,

La plume en ciseaux,

En pinceaux,

Le papier en toile de m’Etre,

En bleu, en blanc, en transparent, en multimotscolore, en sang,

Qui, dans la plume et dans nos veines, pluriel de notre chance, coule en os-mots-se,

Globules rouges,

Rouge d’encre marine,

Rouge aimant des mots,

La plume tisse les peaux, tatoue les creux, éclabousse et remplit les trous,

La plume glisse, en goutte à goutte. A remplir un océan.

Concasse la prison Récurrence et son maton l’Habitude,

Elle titube, se lance en belle attitude,

Se dresse et sourit à se voir répandre,

Une encre est noire mais pas sombre,

Même hésitante, elle se sait le centre d’un monde,

Car si ne plus écrire est ne plus respirer.

Alors, casser sa plume est casser sa pipe.

DU SANG ET DES MOTS

Je n’attends pas de l’écriture qu’elle me satisfasse tous les jours, une écriture sans ratures,
ce serait la sous-estimer, exiger d’elle qu’elle se soumette à mes volontés,
Lui demander de ne pas me résister, faire d’elle une esclave de papier,
Pour finalement, la déposséder de ses bosses, de ses trous, de ses tortures,
De la colère qu’elle sait emmagasiner,
De l’énergie qui, dans un stylo, finira par se vider,
et, soudain, faire de nous cet autre, avide d’un équilibre pur,

J’attends de l’écriture qu’elle fasse de moi un fou d’encre noire,
Un assassin du mal, un dérangé des mains,
Les phrases, les rythmes et les mots en poignards,
Pour frapper au cœur, évider l’odieux et ses apôtres, décapiter l’humain,
Qui, animé de haine, vide de sa bêtise, contemple ses mouroirs,

Attendez de l’écriture sa domination, espérez sa force et sa beauté,
Pour porter tout en haut l’âme du porteur d’espoir,
Et rattraper le monde. A nouveau, le soulever.

PERCEMENT A COEUR

L’écriture partagée, la correspondance, permet de révéler nos interlocuteurs, interlocutrices ; nos rencontres. De rentrer dans les croyances, les questionnements, les espoirs ou les envies de l’autre.

L’écriture est probablement la façon la plus discrète d’apprendre à connaître. Elle se fait au rythme de l’inspiration, au rythme naturel, maîtrisé du dévoilement choisi. Elle permet de s’évader vers un(e) autre, de manière ponctuelle et sans être invasive.

C’est un apprentissage « aveugle », au « toucher verbal ».

Un contre-pied au monde connecté qui va si vite puisque nous sommes, à priori, pressés.

Un échange en profondeur qui permet, à contrario de l’échange de surface, frontal et qui confronte les égos, d’aller chercher le sens des mots.

Ce qui limite les incompréhensions d’ailleurs et les phrases qui sortent trop vite quand on a tourné la langue dans sa bouche 2 fois au lieu de 7….

Les écritures sont des outils de percement de bouclier.

Le stylo ou la plume, leurs mèches à corps humain.

DES ECRITS VAINS !

Connaissez vous un autre domaine que l’écriture qui soit aussi « pur » et qui vous offre, sans condition matérielle, n’importe où pourvu qu’il y est du silence, de vous retrouver libre et face à l’immensité du mariage des mots. Il est des mots, anodins pris séparément, qui sont capables, mis en commun, de perforer comme le ferait une balle de fusil.

L’écriture est une page blanche sans rebords.  Ecrire, c’est penser, s’observer, se critiquer. Si vous voulez transmettre une idée en laquelle vous croyez dur comme fer,  vous êtes libres de le faire. Même si cette idée n’est que le fruit tout relatif de votre éducation et de vos expériences.

Faites attention simplement à autrui en acceptant l’idée qu’il est libre de la recevoir ou pas : l’écrivain dictateur n’est pas un bon « concept ». Hitler s’y est essayé : l’histoire s’est mal terminée pour lui. Reconnaissons aussi que son stylo a fait beaucoup de morts….Pour Charly Hebdo, c’est l’inverse qui s’est passé.

Difficile de faire plus simple que l’écriture.

Difficile de se sentir exister plus simplement qu’en écrivant.

Ecrire est une bulle vide de tout et riche de toi.