CLOPIN CLOPANT

Tout descend. S’écroule et pend en vieillissant,
La loi de la gravité serait sans conteste impitoyable,
Irréversible gravité de la loi de futurs mourants,

Tu peux lutter mais avec le temps va, tout s’en va,
« La, ici, touche. Tu vois bien qu’ça descend »,
« La, j’aime bien, mais là, ça’va pas ».

Avec le temps, tout pendouille,
S’ramollit, se froisse, s’étend,
Les yeux. Les joues. Le bide, Les couilles.

« Mais…puisque les regards des autres se plissent simultanément »,
« Ce n’est pas grave », je rassure, je cafouille,
Nos déformations accompagnent le mouvement,

Les rides s’accordent le pardon,
L’image, alors, reste la même.
Et, de toi, il n’est pas question d’abandon.

LE SERGENT

02h00 du matin…dans la campagne, quelque part vers nulle part.

Encore trop tôt !
C’est quoi ce merdier, sergent !!
Qui vous a dit de sonner le clairon à c’te heure ci !

Heuuuuu…c’est pas l’ heure d’ hiver, colonel ?

…l’ heure d’ hiver ? L’ heure d’ hiver ? Mais, sauf votre respect Sergent, ça serait plutôt l’ heure d’y voir, putain de bordel de merde !

……..ah…..oui……02h00…

On fait quoi maintenant Sergent ? On sonne la charge ? On envahie la Russie ? un concours de braguette ? des pâtes ?…

…Heuuuuu. ….des pâtes….la Russie, c’est déjà fait…

…..Nom de dieu de nom de dieu, mais vous jouez du clairon toutes les nuits !
Faux en plus ! …donnez moi c’ truc !..y neige en +…!

….Oui, voilà, c’était pour dire qu’ y neige. ….

….ah. ..vous faites la pluie et le beau temps avec votre clairon. ..mais vous v’nez d’ où mon vieux ?

….du Sud…j’ aime la musique. ..

..Oui…ce n’est pas réciproque. ..maintenant qu’ on est tous réveillé, on bouge. On va au moins envahir …euh…….vers la bas….!

….Et demain, sergent, vous me faites au moins un Sol, un Fa, un Do justes…! Merde !

OK…les pâtes, mon colonel ? Beurre ? Sans beurre.. ?…..

DU SANG ET DES MOTS

Je n’attends pas de l’écriture qu’elle me satisfasse tous les jours, une écriture sans ratures,
ce serait la sous-estimer, exiger d’elle qu’elle se soumette à mes volontés,
Lui demander de ne pas me résister, faire d’elle une esclave de papier,
Pour finalement, la déposséder de ses bosses, de ses trous, de ses tortures,
De la colère qu’elle sait emmagasiner,
De l’énergie qui, dans un stylo, finira par se vider,
et, soudain, faire de nous cet autre, avide d’un équilibre pur,

J’attends de l’écriture qu’elle fasse de moi un fou d’encre noire,
Un assassin du mal, un dérangé des mains,
Les phrases, les rythmes et les mots en poignards,
Pour frapper au cœur, évider l’odieux et ses apôtres, décapiter l’humain,
Qui, animé de haine, vide de sa bêtise, contemple ses mouroirs,

Attendez de l’écriture sa domination, espérez sa force et sa beauté,
Pour porter tout en haut l’âme du porteur d’espoir,
Et rattraper le monde. A nouveau, le soulever.

RACINES

Envoyé un bout d’Automne,
Un bout du môme,
Que j’étais, qui a poussé au milieu des branches,
En s’y accrochant les bras, le cou, les hanches,

Si souvent perché,
J’y ai découvert le silence, l’immobile et la pensée,
C’est là que je reviens inlassablement,
Et, de craquements en craquements,

Inondé de rien, tout nu habillé,
Je sais que c’est là, par les bois abrité,
Que ce corps existe,
Loin de la lumière, de la piste,

Là, au milieu du bleu, du vert, du jaune,
Au cœur du juste, les poings abandonnent,
Envahi d’air, les pieds ancrés,
Et devant toi, l’éternité.