MODELE SIMPLE

« C’est la comparaison qui crée le manque »(A. JOLLIEN).

Etre ou paraître. Telle est la question. Ou comment faire la différence entre ce dont nous avons besoin et ce dont nous avons envie. Faire la différence entre ce qui nous correspond viscéralement et le désir qui est créé, en permanence, au contact d’autrui.

Ou comment rester à sa place. Et ne pas se disperser. Sans être aigri ou envieux.

Rares sont les individus dont le destin est maîtrisé. Ils sont naturellement surdimensionnés mentalement, physiquement : ils règlent les questions sans heurts dans leur existence et avancent à pas de géant. Ils vont là où ils doivent aller. Ils ont tout le temps pour réussir leurs objectifs, créer la tendance, inventer ou influencer la planète.

Pour la majorité des entrants, les « autres », la jeunesse est d’abord un lieu d’influences : celle des bases positives ou traumatisantes de l’éducation, celle des rencontres positives ou destructrices.

Influence des images quotidiennes de la réussite, de l’échec. Cette dernière est fondamentale car elle conditionne un référentiel artificiel du bonheur et du malheur. Le jeune adulte arrive sur le terrain avec une somme d’ingrédients dont il pense, à priori, savoir si ils serviront à sa réussite ou à son échec. Il pense savoir où aller et, parfois, savoir vers où détourner son prochain.

Et c’est à ce moment où l’individu est le plus dynamique, où la vie offre son plus grand champ de vision, que cet individu perpétue, avec sa plus grande force, ces valeurs qu’il pense siennes. Mais qui ne sont autres que l’expression des valeurs de son environnement familial et des valeurs de la société telle qu’elle est montrée au quotidien.

La question est donc d’analyser les valeurs sociétales modernes : il me semble que l’individu entrant est vite détourné des choses simples et de l’effort. Ou du temps de réflexion.

L’ambiance est plus à la compétition permanente. Au désir de posséder tout si possible ou autant que l’industrie peut produire. A la sensation que la planète n’est plus qu’un terrain de jeux pour tous. Facilement accessible. Vous y ajoutez la vitesse de l’intelligence artificielle de nos outils modernes; je n’ai pas écrit « adaptés ».

Dans la mesure où nous ne sommes pas tous des compétiteurs, que nous sommes tous imparfaits et perclus de faiblesses, comprenez que le décalage entre la capacité de l’individu et l’aspiration idéale croît et dérange.

Quelques uns vont s’adapter « à la régulière », s’user à la force des bras et de leur mental. Côtoyer, en guise de bouée temporaire, le psy, le gourou. Puis passer au dessus de la haie. Ou bien en dessous.

D’autres vont faire à autrui, sous prétexte de sauvegarde de leur personne, ce qu’ils ne voudraient pas qu’autrui leur fasse. Leur miroir sans teint leur permet de survivre.

Enfin, certains vont faire des choix. Et c’est là que je vous emmène.

Il ne s’agit pas de se contenter de l’adage simpliste « il faut se satisfaire du nécessaire ».

Il s’agit de creuser et de savoir ce qu’on aime faire et ce qu’on aime vivre : il faut savoir le reconnaître et l’admettre. L’exercice se fait à la période de maturité. Après celle de l’insouciance puis celle des découvertes et de l’apprentissage; après celles des expériences.

L’exercice se fait dans le silence.

L’exercice fondateur de l’individu consisterait alors à reconnaître, finalement, ses sources de plaisir et de reconnaissance. Ses moteurs de vie.

Sa nature profonde. Et l’isoler. L’écrire par exemple pour mieux l’imprimer dans ses nouvelles croyances.

Cette liste des satisfactions naturelles n’est autre que le centre de vie de demain.

Et, par opposition, elle rejette aux frontières de l’inutile, du secondaire ou du superflu, les activités, les objets, les relations qui n’ont pas été identifiées.

L’équation de la liste des satisfactions naturelles permettra à l’individu, en s’y limitant, d’être égal à lui même.

La longueur de cette liste est libre. L’exercice n’est pas limitatif. Il est simplement contemplatif.

Aux seules conditions d’être lucide, honnête avec soi-même.

D’acceptation de modération des ambitions matérielles et de réduction du nombre et de la vitesse des activités.

De suppression du sentiment de jalousie.

En étant égal à soi même et en paix avec ses aspirations, le regard de l’autre, qui ne manquera pas de se poser régulièrement, sera rangé.

Et vous maîtriserez, car vous l’accepterez, votre organisation du temps et la chronologie de vos ambitions.

Le silence est l’avenir de l’individu.

COMPLÈTEMENT Beurré

Petit matin.

De ceux que nous apprécions à leur juste valeur et avec lesquels nous faisons corps. Puisque que nous ressentons.

Petit matin.

De ceux qui nous rappellent gentiment que l’air peut être vivifiant et qu’il serait judicieux de le respecter. Il n’est l’air de personne mais, l’air de rien, il est là pour tous. Pour nous. Pour moi.

Petit matin.

De ceux qui creusent un peu plus le petit creux et qui nous poussent nonchalant, presque indifférent, mais mort de faim, vers ce petit coin où flotte l’enseigne « Boulangerie ».

Indifférent dignement. Pour montrer que nous ne sommes pas intéressés…oh non ! Le demandeur est bien le vendeur…. et, puissamment armé d’une monnaie que les doigts de la main droite jaugent dans la poche, j’avance.

Assez de pièces pour s’offrir ce que deux mains peuvent porter. Ce petit matin, décidément, est un délice. Il ne se refuse rien.

Il s’enhardit…..je lance alors un regard à travers la fenêtre légèrement embuée dedans et légèrement embuée dehors. La viennoiserie est coquine. Elle se cache, partiellement, totalement.

Elle t’appelle de ses reflets.

Il faudrait entrer pour concrétiser la rencontre espérée.

Cependant, j’ai un problème. Pire, un dilemme : j’ai le choix. Deux boulangeries clignotent dans mon cœur. Elles me sont toutes deux inconnues. Je vais passer à coté de l’une d’entre elles.

J’exulte d’une part et une tristesse m’envahit ailleurs. Une boule au ventre tombe dans le petit creux. Comme la boule de billard. Je dois l’expulser. Faute de quoi, l’indécision emporterait la décision.

Et aucun boulanger ne gagnerait son pain.

Inconcevable à cet instant gémit le creux. J’ai mis le creux alors en balance. Jusqu’à ce que le poids du creux l’emporte. La balance bascule vers la boulangerie la plus proche : le sport est dangereux quand on a faim.

Je frotte donc la buée extérieure et me heurte de nouveau à la buée intérieure. Double protection. La viennoiserie est bien gardée. Patrimoine Français, Madame, Monsieur !

J’aperçois la boulangère, ses miches, derrière. Celles de devant aussi. Elles respirent le beurre à travers la fenêtre. J’ai un bon sentiment…j’aime bien le beurre.

Maintenant que j’ai dessiné sur la vitrine avec mes doigts, je suis redevable. J’en ai assez fait et pas assez vu. L’opulence de la boulangère me fait signe d’entrer.

Il faudrait une glace sous les miches, de pain, pour découvrir le derrière et l’arrière de la boutique. L’achat d’un pain au chocolat ne devrait rien devoir au hasard.

Tel maître, tel pain.

Je rentre !

Sourire de la boulangère qui jauge l’énergumène qui achète ses croissants par transparence. Je me dis qu’elle a de la chance que je l’ai choisi. A ce titre, la monnaie qui balance, je m’octroie le droit, en tant que client, d’observer de plus près les contours de la boulangère.

Voir si l’ensemble est bien le fruit de gourmandises répétées. D’un travail acharné dédié à la qualité du produit. Dans l’intérêt du consommateur.

Pour voir si la vitre n’est pas déformante et juste calculée pour attirer l’innocent.

La relation de confiance est importante pour l’achat d’une madeleine.

Je suis rassuré. Et me dis que je ferai bien un deuxième tour. Peut être même que je reviendrai. Un jour. Faire 200 kilomètres pour revoir la boulangère.

Mettre la main dans la patte.

C’est fou ce qu’un petit creux peut égarer l’esprit. La faim est bestiale.

En attendant mon tour, les pensées dans la farine et sur la table à pétrir, mon regard porte sur une porte.

Celle qui glisse vers l’antre au levain. Et qui s’obscurcit soudain à l’arrivée d’un pantalon à carreaux. Le pantalon semble aussi large que les carreaux sont petits.

J’assiste à l’entrée de l’artiste, le boulanger.

Il ne peut rentrer qu’en marche arrière. De biais, ça ne passe pas. Pourtant, cette porte me paraît normalement dimensionnée. Un rapide coup d’œil dans la boulangerie pour vérifier que les dimensions sont respectées. .

J’ai eu peur, un instant, d’être dans un décor. Et que les baguettes ne soient que des demi-baguettes avec un étais derrière. Comme dans les films de FarWest.

Qu’on m’ait roulé dans la farine. Celle dans laquelle j’étais en train de me vautrer avec la boulangère.

Mais, non, l’extraordinaire ne vient pas de l’endroit. Mais de l’humain.

Le boulanger a réussi à s’extraire de la porte avec sa dernière production toute chaude, en avant première de flûtes et de brioches. Il recule encore pour passer le flambeau à la boulangère.

Transmission de savoir faire…

j’irai bien aider à mettre dans les panières. J’aurai l’air d’un cornichon entre deux bouts de pain…..

Le boulanger se retourne alors. L’envie de la scène certainement. De se mettre en lumière. Du contact avec le client fan. Pas trop quand même. Pendant ce temps là, ça ne pétrit pas, ça ne cuit pas et ça ne roule pas.

C’est du pain perdu…..

Nous n’aurons pas d’autographe : en stylo, il n’y a pas sa taille.

Mais, pour honorer notre présence matinale, notre courage à se lever tôt, pour nous remercier d’avoir choisi sa boulangerie et pas l’autre au coin de la même rue, celle de Dumollet, un grand con tout maigre, pour communier à l’heure des oiseaux rois, nous avons droit, en Guest Star, à un sourire…

…des dents sont parties lorsque le sucre a du rentrer….il n’y avait pas de la place pour tout le monde, il faut croire….

..et moi, devant un tel tableau, la boulangère avec ses miches devant-derrière, le boulanger en ambassadeur officiel d’un beurre roi, c’est décidé !

Je reste !

CHOISISSONS UNE FLEUR, UNE SEULE ET ACCORDONS LUI TOUTE NOTRE ATTENTION

La farouche envie de créer est là.

Pour vivre de ses richesses.

Malmener nos pensées pour en sortir l’unique.

Faire jaillir l’éclair.

Les mots qui fusent, qui t’appartiennent mais que tu  n’as même pas vu venir.

Parce que c’est toi et que tu le découvres.