FUYEZ !

Ecoutez bien.

Observez ces vagues qui, sans cesse, reviennent et se fracassent sur ces roches. Elles gardent leur courage et n’abandonnent jamais.

Ecoutez bien.

Regardez les assumer leurs échecs sans même se plaindre. Elles ne se consument pas et gardent de la force pour s’assurer du trépas, un jour, de ces cailloux lourds, immobiles.

Ecoutez bien.

Le mouvement aura raison de ces rochers. Un jour, ces vagues vont gagner. L’une d’entre elle fendra la terre, la fera céder, abdiquer, usée des coups de boutoirs résolus et déterminés.

Ecoutez moi

Ce jour, cette eau courageuse, silencieuse sur ses ambitions passera par dessus la pierre, la dominera, l’inondera et l’étouffera. Elle dévalera.

Elle ne se privera pas après tous ces efforts. La vitesse sera sa vengeance et son réconfort. La récompense de son énergie dissipée.

Rien sur la terre ne lui résistera.

Et ce jour là, moi, je serai en montagne.

DU SANG ET DES MOTS

Je n’attends pas de l’écriture qu’elle me satisfasse tous les jours, une écriture sans ratures,
ce serait la sous-estimer, exiger d’elle qu’elle se soumette à mes volontés,
Lui demander de ne pas me résister, faire d’elle une esclave de papier,
Pour finalement, la déposséder de ses bosses, de ses trous, de ses tortures,
De la colère qu’elle sait emmagasiner,
De l’énergie qui, dans un stylo, finira par se vider,
et, soudain, faire de nous cet autre, avide d’un équilibre pur,

J’attends de l’écriture qu’elle fasse de moi un fou d’encre noire,
Un assassin du mal, un dérangé des mains,
Les phrases, les rythmes et les mots en poignards,
Pour frapper au cœur, évider l’odieux et ses apôtres, décapiter l’humain,
Qui, animé de haine, vide de sa bêtise, contemple ses mouroirs,

Attendez de l’écriture sa domination, espérez sa force et sa beauté,
Pour porter tout en haut l’âme du porteur d’espoir,
Et rattraper le monde. A nouveau, le soulever.

Pom Pom Pom

J’ai les deux pieds par terre,
C’est la faute à Newton,
Le cœur en apesanteur,
La-haut, où tout est vide et rien ne raisonne,

Et pourtant, redescendre,
Les images, en fumées, en cendres,
Un vice, une faiblesse, une absence,
Sur mes branches, c’est pourtant là mon essence,

Ma drogue, ma dose et disparaître,
En observateur de l’autre, des fous,
Pour, dans ce creux silencieux, être ou naître,
De nouveau, en vers et contre tout,

Les mots pour reposer,
Le ballet aérien d’un humain,
Au sol où, incapable de calmer ses pieds, ses mains,
Il faut tenir, résister d’apparence à ce corps échappé,

Ce moi écharpé, le sourire qui s’évade,
D’un corps dans les yeux, le cœur dans les cieux,
Je peine à rester matière,
Ne résiste pas à la poussière,

Je courais, courais, suffoquais, regardais en arrière,
J’entends les chiens, dressés pour me rattraper,
La balle me traverse, je tombe à terre,
Ici, l’ombre du gardien des pensées, mon corps agrippé,

Au sol où, incapable de calmer mes pieds et mes mains,

Je laboure les cailloux, me tord pour mieux m’envoler,
Les yeux rouges, comme sonné,
Encombré par ce corps d’homme,
Étalé dans votre réalité, à portée de quelques pommes.

C’est la faute à Newton.

LA CICATRICE

« Seules les expériences et les cicatrices font d’un garçon un homme ».

Une cicatrice est la preuve visuelle des conséquences de l’impossible. C’est une émotion condamnée.

Une cicatrice est une fermeture éclair de plaie. Elle fonctionne dans les deux sens. Elle est fixée sur le cœur et peut toujours s’ouvrir. Mais elle dénature ce lobe parfait dont le galbe est détruit.

Enfermée du coté cœur, la passion créatrice de cicatrice s’est trouvée une place au milieu des machines qui aspirent et qui poussent le sang. De loin, seule une lueur se distingue. Pousse, écarte le ventricule, voilà une bille d’un rouge vif volcanique qui te perce la pupille. Comme un organe vivant et visible d’une bête terrée qui ne demande qu’à surgir.

 Une bête bien vivante, alimentée par l’odeur, l’image, le son et le toucher du souvenir.

De l’autre coté de la cicatrice, le monde des vivants et du paraître. Celui du bruit, des gens et du visible. Le monde normal. Un monde normé. Celui des conventions et des situations engagées, légitimes, irréversibles et cadrées. Le monde des chemins tracés ou à dessiner.