LE DON DU SANS

Sans les autres.

L’indulgence n’est pas un sentiment moderne. La condamnation immédiate. L’énergie se déchaine pour rechercher le coupable puis le condamner et pour libérer les autres de toute responsabilité. Sans avoir cherché collectivement à comprendre les origines de l’erreur. Sans avoir imaginé un instant former un groupe de réflexion, de recherche pour sauver une situation, récupérer la faute, redresser, corriger.

Notre société dite évoluée est une loterie de la responsabilisation. Une communauté de lâches qui, tour à tour, vont s’accuser pour s’affranchir et vivre en fermant les yeux. Le coupable est trouvé et ce n’est pas moi : Cela suffit à l’homme moderne primitif.

La question n’est plus de savoir comment corriger une erreur. Mais de savoir qui a commis cette erreur : alors, l’accusation portée, le groupe d’irresponsables se disperse, soulagé et sans solution. L’accusé se débrouille.

Sans les autres.

En espérant un jour, parce que la vengeance est une idée qui soulage, que ces irresponsables du jour, seront frappés bientôt par la faute, l’égarement, une approximation, une erreur. Puis seront aussi montrés du doigt.

Le droit à l’erreur, le dialogue ou la solidarité sont les solutions mais elles demandent du temps, cette capacité à reconnaitre que la faute est inscrite dans chacun d’entre nous. L’homme caréné, parfait, sans faille n’existe pas. Cet homme là se promène dans votre téléviseur ou pose sur un panneau publicitaire. C’est juste une image.

Mais, c’est sans les autres, pour « ma gueule », pour ressembler à l’homme de la télévision que nous avançons.

La solidarité d’une nuit, d’une journée doivent suffire à la déculpabilisation de chacun. Continuons alors à nous agiter pour se déresponsabiliser et espérer la vengeance quand la boule de la faute nous tombe sur la tête.

Sans les autres, vous êtes forts dans votre apparence. Le corps crâne.

Mais vous êtes faibles, petits dans votre intérieur. Et vous le savez car l’erreur est permanente, vous guette ; elle est une valeur, un jugement relatif. Vous êtes soumis quotidiennement à l’erreur.

Les collaborateurs en temps de guerre sont nos précurseurs de la déresponsabilisation moderne.

Imaginons un instant une société faite seulement de résistants.

Vous ressentez immédiatement que vous n’êtes plus seuls, plus fragiles et plus obligés de fuir la responsabilisation de groupe. Vous savez que ce jour de solidarité à votre égard viendra.

Sans aucun doute.

LA MAIN

Alexandre JOLLIEN écrit que chacun doit « prendre conscience que l’autre restera toujours un individu irréductible, qui ne peut être totalement soumis, analysé, compris ».

Il a totalement raison. Ajoutons qu’il est impossible de changer le cours des autres. Il n’y a que les expériences individuelles qui orientent, détournent et tracent les chemins individuels. Et la capacité de l’individu à analyser ces expériences.

Inutile donc de vouloir s’occuper des autres; il suffit, pour ceux qui l’expriment, de les écouter. Attentivement.

Puis débattre.

TOUT LE MONDE EST IMPARFAIT

Alors, vivons par défaut.

Offrons nous de quoi se donner le droit à l’erreur. L’existence sera moins cubique. Au bout de chaque histoire, de chaque confrontation,de chaque expérience une porte qui s’ouvre. Elle peut s’ouvrir sur le ridicule, une gloire éphémère ou sur une certitude. L’important est qu’elle s’ouvre complètement.

Seule la morale doit être un frein à la confrontation, à l’expérience. Si morale est enfreinte, alors la porte ne peut s’ouvrir. Et la justice des hommes et des yeux prendront le relais.

Vous reconnaîtrez que, pour certains d’entre nous, cette porte est constamment ouverte. C’est une porte de saloon. Le regard de l’autre ou la justice n’ont pas de valeur d’inflexion. Les nombrilistes, les carriéristes, les dictateurs, les religieux, nos dirigeants, les chefs, les infra-ordinaires nous présentent chaque jour toute l’étendue de la palette de la morale. Pourvue qu’elle leur soit profitable le temps de leur existence et qu’après eux, le déluge.

Devenir sage passe peut être par le labyrinthe dans lequel, au grès des expériences, certaine portes vont s’ouvrir. D’autre pas. Il faudra lors comprendre, présenter des excuses et faire demi-tour.

Etre sage, c’est alors savoir, à tout instant, quel chemin arpenter pour trouver la meilleure issue; celle qui offrira une solution puis permettra d’ouvrir une porte. Pour s’en aller. Et libérer son esprit.

Je n’ai pas dit la bonne issue.

VOUS ETES SOURDS OU QUOI ?

Malheureusement; ils ne sont pas sourds. Pire, ils ont fait des études. COLUCHE disait, en parlant des puissants, que, tout ce qu’ils faisaient, ils le faisaient exprès. Peut être qu’ils laissaient faire. C’est moins fatiguant.

Les sourds ont leur langage. La nature leur a enlevé l’audition. Laissez leur leur histoire et la fierté de créer et vivre un langage mouvementé. Peut être, Messieurs les scientifiques, que des grimaces vous perturbent. Qu’elles vous renvoient à votre propre image si vous deviez utiliser la langue des signes.

La modernité seule est, selon vous, la réponse à la surdité des autres. Et la modernité serait technique. La machine remplace la peau qui plisse, les yeux qui se ferment et le claquement des mains. Les sourds ne s’enferment pas dans leur monde. Ils ne s’isolent pas. Ils créent. Et la création génère la fierté, la raison d’être.

Mais il faut des moyens pour accompagner cette divergence, cette anormalité. Il faut de l’argent pour assumer nos différences. Mais, à cet instant, nous devenons un pays pauvre. Les marginalités ne sont pas la priorité. La tolérance est freinée au porte monnaie d’un Etat qui se disperse déjà trop.

Alors, formatons, lissons, obligeons les minorités à rentrer dans le rang. Offrons leur « la chance » d’entendre grâce à « votre technique », celle qui justifie vos études, votre savoir, votre salaire.

Et surtout, ne les écoutez pas. Faites les sourds. Mettez les mains dans les poches.

LES INFRA-ORDINAIRES

L’Histoire avec un grand H est l’histoire continue d’infra-ordinaires qui ont permis de révéler les héros qui ornent les livres et les plaques de rue. Les héros du monde moderne sont diplomates. Auparavant, stratèges de guerre ou guerriers eux mêmes.

Les infra-ordinaires ont une intelligence au service de l’ambition strictement personnelle, du pouvoir politique. Ou d’une fortune si grande qu’elle ne peut être dépensée. L’infra ordinaire en chef, Hitler, a imaginé détenir la planète. Cet homme, minable, a révélé des talents. La hiérarchie des minables s’est construite naturellement. Elle s’est alimentée sans peine. Le recrutement a été aisé. Sur la base des crédules et, finalement, sur la base de ce qui anime trop chacun d’entre nous : l’orgueil.

Ne croyons pas que cette époque est révolue. Que la médiocrité est partie avec les morts. Et que, fort de l’expérience de l’odieux et des pourritures montrées du doigt, la nuit a fait place au soleil.

Les infra-ordinaires salissent l’Homme en continu et fixent les infinis de ce dont il est capable. Et, malheureusement, ils fixent des repères pour les autres. Justifiant certaines autres cruautés comme ordinaires.

Acceptables.