LOURAGAN

Déjà 200 km entre elle et nous.

Un « tchek », une bise, un dernier regard dans le rétroviseur et, en quelques secondes, l’instant devient souvenir.

Frais mais il faut déjà le conjuguer au passé.
Les images témoignent de sa réussite.
Avant de t’assommer.
Les mots, eux, concédant leurs limites.

Le silence est donc ce parfait substrat de transition. Il puise les ressources utiles au passage à l’heure, au jour, au mois suivants. Il est ce pont qui enjambe le tumulte.

Dans un quart d’heure, ma fille démarre sa première mission avec son costume de diététicienne. Son costume de professionnelle de la santé.

Dans sa piaule, un garçon l’attend.

18 ans.
19 ans.
20 ans.
Les Landes et ses sapins.
Après Perpignan.
Pour d’autres, c’est encore plus loin.
Encore plus fulgurant.

Quelle « formidable » sensation que d’être assis dans un manège pour parents.
Qui sort des rails. Décolle avant de nous laisser flotter dans un labyrinthe géant.

Incontestablement, nous ne nous en « remettrons » pas.
Pour cette logique évolution, nous n’avions rien préparé.
A cette normale transition, le réconfort d’un chat.
Nous vivons en toute liberté condamnée.

Et dire que avons fait subir ce choc à nos parents.

Il est 08h00. La gamine démarre sa première journée d’usine de transformation de sa vie.

Le père est découpé entre la fierté du parcours autonome de sa rejeton et la perte du joyau de son ancien royaume.

Si le palais est intact, l’âme est noyée.
Les goûts et les saveurs deviennent étrangers.
Quel nom a cet ouragan qui nous laisse dévastés ?
Un milliard pour reconstruire, redevenir parents et, elle, un bébé.

« La Fourmi n’est pas prêteuse ;
C’est là son moindre défaut.
Que faisiez-vous au temps chaud ?
Dit-elle à cette emprunteuse.
Nuit et jour à tout venant
Je chantais, ne vous déplaise.
Vous chantiez ? j’en suis fort aise :
Et bien ! dansez maintenant.. »…